Précis de l'histoire de la révolution française. T. 1-3

112 DIRECTOIRE

du génie, c'était celle du crime qui avait disposé leurs moyens de triomphe. La sombre discipline des camps se ressentait de la terreur qui régnait dans les villes ; l’échafaud était placé trop près du champ de la victoire. D’ailleurs , si le plan qui dirigea les armées avait de l’étendue, on en dut plutôt le succès à une inconcevable opiniâtreté qu'à une exécution précise et savante. Le sang francais coula par torrens dans cette année ; on avait rendu la mort trop désirable. En 1706 , il fallait suppléer par toutes les combinaisons de Part militaire aux avantages qu’on avait dus auparavant à la supériorité du nombre { la désertion à l’intérieur, encore plus que les batailles, avait diminué les armées de moïtié). Les soldats se plaisaient aux manœuvres, et en dédaignant ce vain luxe d’évolutions qui avait été si inutile, dans le commencement de la guerre, aux Autrichiens et aux Prussiens, ils saisissaient avec une extrême vivacité toutes celles que demandait la nature du terrain , et le caractère même des ennemis. Les généraux , et sur-tout le vainqueur de l'Italie, avaient déjà donné à la France la meilleure infanterie de l’univers ; les soldats français étonnaient autant par les prodiges de leur patience que par ceux de leur bravoure. La franchise et la gaîté régnaient dans des camps d’où les discussions politiques avaient été bannies ; l’amour de la patrie y avait toute la ferveur et toute la soumission d’un culte.

Quel glorieux début pour le directoire , qui paraissait présider à de si grands mouvemens! pouvait-il s'offrir d’une manière plus imposante à l'Europe ? Dans une année, toute la rive gauche du Rhin avait été reconquise , à l'exception de deux forteresses ; l'Allemagne avait été envahie, avait alimenté no$ armées, avait payé des contributions. La ligue germanique avait été dissoute par la soumission de ses princes les plus puissans ; le Piémont avait cédé toutes ses forteresses à la France; la Lombardie, la république de Gênes suivaient ses lois. Les états de l'Eglise, le roi de Naples avaient imploré, reçu et payé le pardon de la république francaise. La Toscane , Parme et Plaisance, traités avec moins de rigueur, promettaient plus de fidélité. Mantoue répondait de toute l'Italie, et formait un point d’appui pour une expédition qui allait menacer la capitale de l'Autriche. Le roi de Prusse, frappé de l’éclat de nos triomphes, ne laissait éclater aucun signe d’inquiétude ni de jalousie. La cour d’Espagne, en s’unissant par un traité d’alliance avec la république française, s'était engagée à des efforts plus actifs et plus désintéressés que n’en avait jamais osé demander la