Précis de l'histoire de la révolution française. T. 1-3

INTRODUCTION. 15

raison fut quelque temps égarée par une cause accidentelle, il ne fut ni son flatteur ni son tyran. On le vit résister avec fermeté aux préjugés de ce monarque contre les catholiquesirlandais. Il fut fidèle à la constitution de son pays. À la vérité, dans des circonstances orageuses , il étendit l’autorité royale; mais avec précaution et pour un temps déterminé. C'était un ami sincère , un homme fidèle à toutes les promesses qu’il ne faisait pas à un gouvernement.

Je vais dire un mot de l’accroissement qu’avait recu la puissance maritime des Anglais à l’époque où je suis arrivé, ou qu’elle reçut peu après. Dès que la guerre fut déclarée, le gouvernement britannique envoya plusieurs escadres pour faire la conquête des colonies occidentales de la France. Elles ne rencontrèrent dans ces parages aucune flotte française. La terrible situation de St-Domingue tint quelque temps les Anglais indécis dans leurs projets sur cette colonie. Déjà la plus grande partie des blancs avait péri dans d’épouvantables massacres, Les nègres révoliés, s’abandonnant à toutes les fureurs des cannibales, avaient reçu d’odieux secours de la part même des commissaires du gouvernement français. La ville du Cap était envahie et brûlée; toute la partie du nord n’était plus qu'un monceau de ruines et de cendres lorsque les Anglais s’établirent dans la partie occidentale de Pile. Leur domination y fut mal assurée , et ne dura pas long-temps. La contagion dévora la plus grande partie des troupes qu’ils y envoyèrent; le nègre Toussaint-Louverturewainquit le reste dans une suite de combats; mais la colonie la plus florissante qui ait jamais été fon-

-dée avait disparu , la France avait fait une perte irréparable. Quelle fut la part des Anglais dans la longue série de crimes quiamenaet compléta ce désastre? Cette recherche serait tro

longue pour la tâche que j'ai entreprise; et d’ailleurs elle ne peut être faite que par un homme qui aurait eu le malheur d’être témoin de tant de déplorables événemens. Beaucoup de personnes ont cru que la révolte des nègres de Saint-Domingue avait été dès long-temps préparée par Pitt, comme une vengeance de la perte de l'Amérique septentrionale. C’est à cette exécrable pensée qu’elles attribuent les motions que Pitt appuya si souvent dans le parlement pour l'abolition de la traite d'Angleterre; elles n’y voient qu’une hypocrite philantropie de la part d'un homme qui affichait et même exagérait son mépris pour les vains projets de perfectibilité, et qu’une provocation faite à la France d’allumer dans SaintDomingue un inceñdie qu’il saurait bien prévenir à la Jamaïque. Cette accusation n’est nullement vraisemblable ; l'histoire ne sait point juger de l'authenticité de ces crimes d'état, et trop souvent la conscience d’un seul homme enreste