Récits des temps révolutionnaires d'après des documents inédits

LES ÉMIGRÉS ET LES GÉNÉRAUX DE NAPOLÉON. 257

Le maréchal souriait.

« Si cet espoir fait votre bonheur, dit-il, je ne veux pas le détruire. »

L'entretien continua sur ce ton courtois et affable. Le général Friant étant entré, Davout le présenta à l’émigré. Il rappela ensuite qu'il avait servi dans Royal-Champagne. Puis il parla de la bataille d'Iéna, du combat d’Auerstædt où, on le sait, il s'était couvert de gloire; il critiqua la tactique des Prussiens et constata, à leur désavantage, que l'année precédente, les Autrichiens et les Russes s'étaient bien mieux battus. Enfin, revenant à l’objet de l'audience, il invita son interlocuteur à mettre sa demande de passeport par écrit :

« Écrivez-moi aussi franchement que vous m'avez parlé », ajouta-t-il en le congédiant.

La demande fut rédigée aussitôt et remise à un aide de camp. Le même soir, l’émigré recevait un ordre enjoignant à la Place de lui délivrer un passeport pour Hambourg; en outre, on lui offrait une recommandation pour la poste s’il désirait avoir des chevaux. Il dut décliner cette offre, l’exiguïté de ses ressources ne lui permettant pas

de voyager autrement que dans les diligences et 17