Relation des faits accomplis par les révolutionnaires genevois de 1794 à 1796 : extraite d'ouvrages contemporains, et suivie de documents inédits

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voir si on laisserait l'administration civile et la force militaire au Tribunal Révolutionnaire ou au Gouvernement Constitutionnel. Il parait que celui-ci a eu l’art de surnager, et qu’il va reprendre ses fonctions; mais le Tribunal, dont les pouvoirs sont expirés, subsistera néanmoins encore pour un mois, sous le litre de Commission

Liquidatrice Nationale. Celle-ci se charge, soit du recouvrement des biens confisqués, soit des indemnités dues par les aristocrates épargnés ; etelle promet d'enappliquer le produit à des établissements publics d'industrie, ou de bienfaisance, consacrés à prévenir la misère, et à faire le bonheur d’un peuple, qui parait toujours fort étonné de n'être point encore heureux avec tant de moyens en apparence si efficaces pour le devenir.

Pour étourdir ce peuple, et lui faire croire que, bien qu'anathématisé par ses voisins, il lui reste encore au loin des approbateurs, et même des amis, ses chefs ont eu l’impudeur d’ordonner, le 1e septembre, une fête civique, dans laquelle, tirant parti du compliment que la République Française a fait dernièrement à celle de Genève, en plaçant son drapeau à côté de celui des Etats-Unis, ils ont déployé ce dernier avec éclat, afin de nourrir les Genevois de la douce illusion qu'ils sont encore dignes de se comparer à la république du nouveau monde. Il est vrai qu'à cette comparaison, on a pu lire en caractères marqués sur le visage de chaque assistant, la honte et les remords. Mais que penser d’une peuplade, à qui il ne reste d’autre vertu que celle de les laisser percer, et d'autre courage que celui de les braver?

À peine y peut-on rencontrer aujourd'hui un individu de quelque fortune, ou de quelque éducation, qui n'ait

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