Relation des faits accomplis par les révolutionnaires genevois de 1794 à 1796 : extraite d'ouvrages contemporains, et suivie de documents inédits

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plet d'ivresse. Les bons citoyens, prévoyant une caiastrophe, se réunirent afin d'aviser aux moyens de la prévenir. Dans ce but, les clubs des Amis de Jean-Jaques, des Égaux, des Joyeux envoyèrent des députations au Syndic de la Garde, Solomiac, pour lui offrir de ramener aux prisons Baudit et Pradier, que la faction anarchiste menaçait de mettre à mort s’ils n'étaient condamnés à cette peine. Le Syndic, s’abusant étrangement sur l’état des choses, refusa l’utile et courageuse coopération des trois clubs, et, quand l'arrêt eut été prononcé, il confia la garde et la conduite de Baudit et de Pradier au piquet de la Garnison que commandait le sergent Choffat, et luimême se mit à la têle du cortége. À peine élaient-ils arrivés à la hauteur de la maison De la Rive, qu'une foule de forcenés se précipita sur ces deux malheureux ; les soldats, pris de vin, ou complices de ces énergumènes, n'opposèrent aucune résistance, la voix du Syndic fut méconnue, et bientôt Baudit et Pradier ne furent plus que deux cadavres en lambeaux, sanglant trophée de l’agonie des fureurs révolutionnaires! La justice ne pouvait rester impuissante pour frapper les auteurs d'un attentat aussi révoltant, à moins de vouloir laisser son glaive aux mains des factions. Elle inslruisit une longue procédure contre les présumés coupables, parmi lesquels plusieurs, le sergent Choffat entre autres, avaient pris la fuite. Un seul, Choffat, fut condamné à mort par contumace ; quant aux autres, rien n’élail encore décidé quand la République périt.