Relation des faits accomplis par les révolutionnaires genevois de 1794 à 1796 : extraite d'ouvrages contemporains, et suivie de documents inédits

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armes, à la place Neuve, lieu que la loi lui assigne en cas d'alarme, fut assailli par plusieurs factieux qui lui présentèrent la bayonnette, l'enjouèrent, le désarmèrent en vomissant les imprécations les plus horribles, lui prirent tout son armement jusqu’à sa giberne, Jui donnèrent des coups de crosse, et le renvoyèrent. Un mois après, il n'avait encore rien retrouvé de ce qui lui avait été pris : assurément ce ciloyen ne pouvait être suspect à personne, puisqu'il se rendait tout bonnement à sa place d'armes. Voici encore un fait qui mérite attention. Le major Desplans entra en uniforme dans la salle du conseil ; c'était entre quatre et cinq heures de l'après-midi de la journée du 20 juillet; il vint déclarer qu'il n'y avait qu'un seul moyen de sauver la République, c'était de livrer au peuple les citoyens Baudht et Pradier ; que si on le faisait, tout rentrerait immédiatement dans l'ordre; ce sont ses propres expressions. Je lui répliquai : Vous pouvez nous arracher la vie, vous pouvez vous porter tumultueusement aux prisons et y commettre le dernier des crimes, nous sommes hors d'état de pouvoir nous y opposer en ce moment; mais nous périrons mille fois plutôt que de consentir à une pareille atrocité. Il se retira, en me disant qu'il ne répondait pas de ce que ce refus pouvait occasionner. En dehors du Conseil, il avait parlé à quelques-uns de mes collègues, qui Jui avaient déjà tenu le même langage.

Les têles, en ce moment, étaient tellement échauffées, que chaque minute semblait devoir amener l'instant fatal; et je suis encore dans la ferme persuasion que c’est la présence du citoyen DESPORTES, Résident de la République française près la nôtre, qui déjoua le com-