Séance de rentrée des cours de la Faculté de théologie protestante de Paris, le samedi 7 novembre 1903

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c’est qu'entre des centaines d'articles, conférences ou discours publiés à occasion de son Centenaire, c’est à peine si quelques-uns ont fait allusion à ses études et à ses convictions religieuses (1); la grande majorité des orateurs et des ‘écrivains a jeté sur cet aspect de son talent un voile discret, soit qu’ils trouvassent le sujet embarrassant, soit plutôt — et c’est, je crains le plus grand nombre — qu'ils -eussent peur, en le mettant on lumière, d’être suspects de cléricalisme ou de fournir des arguments aux défenseurs de la religion.

Or, en agissant ainsi, on a faussé la pensée de Quinet, dont le trait caractéristique fut le mysticisme religieux, l'effort vers Dieu ‘par les voies de l’histoire et de la conscience. Edgar Quinet n’a été que sept ans homme politique, tandis que toute sa vie a été consacrée aux études d'histoire et de philosophie religieuses. L'un des premiers, il a fait connaître au public français les travaux allemands sur la philosophie de l’histoire (2), sur l’histoire des religions, sur la critique biblique, et, à ces divers titres, il a droit à notre intérêt, que dis-je, à notre reconnaissance.

Mais il y a plus. Le penseur, l'écrivain, furent chez lui doublés d'un croyant, d'un moraliste austère. Au milieu d'une période, hélas! trop longue, d’affaissement de l’opinion publique en France, et d’engouement pour les entreprises commerciales, les succès militaires et les jouissances matérielles, il a donné l'exemple d’un attachement inviolable au droit, d’un amour intransigeant pour la vérité d’un absolu désintéressement. En un mot, Edgar Quinet a été un grand caractère.

Les raisons qui ont dicté mon choix me fourniront les limites et la division de mon sujet. Laïissant de côté sa vie, ses poèmes et ses œuvres politiques ou pédagogiques, son rôle come l’un des fondateurs de la troisième République et l'un des précurseurs de l'enseignement populaire, je m'attacherai exclusivement à ses travaux d'histoire religieuse et à sa philosophie de l'histoire, à sa religfon et son caractère moral, enfin à ses rapports avec le pro-

(1) Nous sommes heureux de signaler, comme faisant exception, la leçon d'ouverture de M. H. Michel. à la Sorbonne (9 décembre 1902) ; la conférence de M. Bellin, à Brest (17 mars 1903), et le discours de M, Albert Sauvage. pour la distribution des prix du lycée de Bourg (31 juillet 1903).

(2) Voir Herder, « Zdées sur la Philosophie de l'humanité », traduction française avec introduction par Edgar Quinet (1825-27), 3 vol, in-80,