Séance de rentrée des cours de la Faculté de théologie protestante de Paris, le samedi 7 novembre 1903

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tifique en histoire (1), qui consiste, au lieu de juger les hommes et les choses de l'antiquité de notre point de vue actuel, « à revêtir l’homme antique », suivant son expression. « Dans ce pêlerinage à travers les cultes, dit-il, nous n’irons pas, infatués de la supériorité moderne, nous railler de la misère des dieux abandonnés. Au contraire, nous demanderons aux vides sanctuaires s’ils n'ont pas renfermé un écho de la parole de vie; nous chercherons dans cette poussière divine s’il ne reste pas quelques débris de la révélation universelle ». Combattant la théorie de Dupuis, de Volney et « du fanatisme philosophique, » (2) d’après laquelle les cultes ont pour origine l'intérêt des princes, combiné avec le charlatanisme des prêtres, il démontra que la religion est innée à tous les peuples, qu'elle est une manifestation de la conscience humaine. Bien loin que les dogmes soient l’œuvre de la politique, ce sont au contraire les sRtntous civiles et politiques qui dérivent de la religion.

Quinet n'était pas moins sévère pour l'hypothèse de J.-J. Rousseau sur le « contrat social », qui lui semble invraisemblable. Il assigne à la société une origine religieuse : « Elle est née, dit-il, le jour où la pensée de la divinité a jailli de l'esprit de l’homme, qui a pu l’annoncer, la révéler ou l’imposer à ses frères, En ce moment suprême, à la famille succède l'État, à l’homme, l'humanité. Une vie commune a commencé entre les esprits qui tous ont reconnu, adoré un même esprit » (3).

Ce livre d'Edgar Quinet et l'ouvrage de Benjamin Constant sur « la Religion » sont les deux premiers essais, composés en France, sur l’histoire comparée des cultes.

L'année même où paraissait le Génie des religions, Villemain, alors ministre de l’Instruction publique, l’appelait à une chaire du Collège de France, qui fut créée exprès pour lui, et qui portait ce titre : Histoire de la littérature et des institutions des peuples du Midi (4). Quinet, en effet, était un polyglotte; après avoir été initié, dès sa tendre enfance, à la connaissance des

(1) Voir Critique de la Révolution, p. T. « J'ai voulu, dit-il, porter l'esprit scientifique dans l'histoire. »

(2) Génie des religions, p. 5.

(3) Génie des religions, p. 21.

(4) Le décret instituant la chaire est du ?8 juillet 4841, la nomination de Quinet, comme professeur, est du même jour.