Serbes, Croates et Bulgares : études historiques, politiques et littéraires

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deux œuvres d’allure noble, héroïque, où le comique vulgaire n’a pas grand'chose à voir.

Il n’y a qu’une seule traduction dont on puisse déterminer la date par une série de déductions qu’il serait trop long de reproduire ici. C’est celle du Mariage forcé, qui remonte à l’année 1744. Tudisevic, dans sa jeunesse, était probablement le grand metteur en scène de nos comédies. Nous avons sur la vie sociale à Raguse dans la seconde moitié du xvin* siècle un document fort curieux, c’est le rapport du consul de France La Maire, rapport qui a été publié par l’Académie d’Agram au tome XII de son recueil d'anciens textes (Siarine). Arrivé à Raguse en mars 1758, La Maire fut rappelé le 29 janvier 1764, mais il y résidait encore au mois d’août de cette année. Il nous apprend que les Ragusains font plus de cas de la littérature française que de toute autre. Quelques-uns apprennent la langue pour pouvoir lire les livres français, mais ils lisent sans choix, sans goût etsans fruit. On se rappelle les vers de Sganarelle dans le Cocu imaginaire :

Voilà, voilà, le fruit de ces empressements Qu'on vous voit nuit et jour à lire vos romans.

Le traducteur adapte ainsi :

« Voilà ce que c’est que de savoir l'italien et le français ; tout cela ne sert qu’à donner la migraine aux jeunes personnes. »

La Maire se plaint du manque de société, de spectacles et de plaisirs publics. Évidemment, si l’on avait encore joué des comédies de Molière, il n'aurait pas manqué d’en faire mention.

Au commencement du xvim siècle existait à Raguse une société d'acteurs amateurs qui s'appelait la société des Bons Vivants (Druzina Zamrsnijeh, évidemment de ceux qui mangent de la viande en carême). Dans {a Critique de l'École des femmes, après une assez longue discussion sur la valeur de cette comédie, Uranie conclut : « Ilse passe des choses assez plaisantes dans notre dispute, je trouve qu’on en pour-