Serbes, Croates et Bulgares : études historiques, politiques et littéraires

MOLIÈRE A RAGUSE 109

rait bien faire une petite comédie et que cela ne serait pas trop mal à la queue de l’École des femmes.

« Chevalier, faites un mémoire de tout et le donnez à Molière pour mettre en comédie. » Le traducteur adapte ainsi ce passage: « Monsieur Frano, notez tout cela et, puisque Molière est mort, donnez votre manuscrit à la société des Bons Vivants, qui ont déjà joué l’École des femmes, pour qu'ils en fassent une comédie, car ils s’y entendent fort bien. »

Et, un peu plus loin, Uranie: « Je connais son humeur (l'humeur de Molière); il ne se soucie pas qu’on fronde ses pièces, pourvu qu’il y vienne du monde ».

Anica (qui correspond dans la traduction à Uranie) : « Je ne connais Molière que par les louanges que je lui entends donner de tous côtés ; mais en ce qui concerne cette société, je vous garantis qu'ils se soucient fort peu de ce qu'on leur dit et qu'ils ne songent qu’à faire preuve de leurs talents ».

C'étaient de jeunes nobles qui constituaient la troupe. Dans la Critique de l’École des femmes Dorante demande au poète Lysidas ce qu'il pense de cette comédie et Lysidas lui répond :

« Je n'ai rien à dire là-dessus ; et vous savez qu'entre nous autres auteurs nous devons parler des ouvrages les uns des autres avec beaucoup de circonspection. »

Dans la traduction le poète Pero Versic' répond.

« Je n’ai rien à dire : vous savez que nous n’avons point à nous mêler de ce que font les nobles ; ils ont accepté cette pièce ; ils l’ont jouée ; notre devoir est de nous taire ou de ne parler qu'avec une grande circonspection. »

Raguse n'avait pas de théâtre permanent. Au début de la Renaissance on avait joué la comédie dans le palais ou hôtel du grand conseil, autrement dit du gouvernement ; mais cet abus fut interdit par un arrêt du / avril 1554. Les représentations eurent lieu dans le local de l'arsenal que les Ragusains appelaient Orsano. Ce mot d'Orsano, dans nos tra-

1. Évidemment le versificateur.