Serbes, Croates et Bulgares : études historiques, politiques et littéraires

LES USKOKS

Parmi les œuvres les plus oubliées de George Sand, figure un roman intitulé L’Uscoque. À l’époque où j'ignorais encore la langue et l’histoire des Slaves méridionaux, j'avoue que ce titre m'intriguait fort. George Sand avait évidemment entendu parler des Uscoques durant son séjour à Venise. Le récit qu’elle a donné sous ce titre est effroyablement romanesque et mélodramatique. On ne peut pourtant dire qu'il ait dépassé les limites de la vraisemblance, si l’on considère d’un côté les éléments mystérieux et tragiques de l’histoire de Venise, de l’autre l'esprit aventureux de ces Slaves tour à tour croisés, brigands, héros, corsaires, qui ont joué un si grand rôle dans l’histoire du littoral adriatique du xvif au xvmr siècle. Si George Sand avait pu lire dans une traduction le petit volume de chants populaires publiés par M. Tihomir Ostojié elle en eût été enchantée et Mérimée aurait reconnu qu'il fait pälir les pages les plus fantastiques de sa Guzla.

Expliquons d’abord ce que veut dire ce mot uscoque, que nous avons pris de l'italien wscocco et qu’il serait plus exact d'écrire en français uskok, ou si l’on tient compte de la prononciation, ouskok. Ce mot vient d'un verbe serbe wskociti qui veut dire proprement sauter par-dessus la frontière, se sauver. La traduction littérale serait : les fuyards. Disons pour employer un mot plus noble : les émigrés.