Serbes, Croates et Bulgares : études historiques, politiques et littéraires

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Lorsque les pays serbes furent définitivement soumis par les Tures, un grand nombre d'indigènes orthodoxes ou catholiques ne purent se résoudre à supporter la domination des Musulmans. Ils sautèrent par-dessus la frontière, pénétrèrent dans la Dalmatie alors occupée par les Vénitiens et ils se groupèrent autour de la forteresse de Klis (italien Clissa), située à 712 kilomètres de Spalato. En 1537 cette ville tomba aux mains des Tures ; elle ne devait leur être reprise qu'en 1648. Les Uskoks se réfugièrent sur le littoral croate et se transportèrent autour de la ville de Senj (Zengg). Le gouvernement autrichien les accueillit avec bienveillance. Il trouvait en eux de précieux auxiliaires pour la lutte incessante contre les Tures. On finit par donner leur nom à tous ceux qui, sur le littoral dalmate-vénitien, défendaient la chrétienté contre le Ture, de même que chez nous on a appelé zouaves ou turcos les Européens qui en Afrique se sont groupés autour d’un noyau primitif de troupes indigènes. Leur vie fut une lutte continuelle pour la défense du sol chrétien contre les musulmans. Leurs exploits devaient nécessairement inspirer les poèmes populaires. Chez les Serbo-Croates, tout est matière épique et les héros les plus obscurs donnent lieu à des poèmes où l'historien a bien de la peine à déméler la part de la fiction et celle de la réalité.

Les Uskoks constituèrent pendant près d'un siècle la garde de la frontière autrichienne contre les Tures. Ils étaient répartis en quatre compagnies commandées chacune par un chef nommé voiévode!. Nous avons des recensements officiels. En 1559 leur effectif était de 253 hommes, de 352 en 1573 et de 500 à 600 en 1602. Il s’éleva un peu plus tard jusqu'à 1 200. Comme nos zouaves ou nos turcos, ils constituèrent une troupe d'élite. Ils étaient d’admirables tireurs. Ils allaient au combat avec le fusil, la hache ou parfois le handjar (poignard ou courte épée). Ils supportaient

1. Voiévode veut dire proprement chef d’armée, par suite tout simplement chef. C’est la traduction littérale de l'allemand Herzog (dux).