Serbes, Croates et Bulgares : études historiques, politiques et littéraires

120 SERBES, CROATES ET BULGARES

Ivo s'enfuit dans une forêt épaisse où leurs chevaux ne peuvent pénétrer. Ils attachent leurs chevaux à la lisière et entrent dans les taillis. Le jeune Uskok réussit à leur faire perdre sa trace, sort de la forêt, trouve les deux chevaux, enfourche l’un des deux et emmène l’autre.

En cet équipage il arrive devant la maison paternelle. Sa mère ne le reconnait pas sous le costume de sa victime etne reconnait pas non plus son cheval. Elle croit son fils mort:

« Voici venir l’aga de Ribnik; il va s'emparer de notre maison et nous faire esclaves. »

Le vieux père saisit un sabre, saute sur le premier cheval venu et s’élance pour venger son fils. Il interpelle celui qu’il croit être le meurtrier d’Ivo.

Arrête, aga de Ribnik. Il t'a été facile de faire périr un enfant de moins de seize ans. Eh! bien maintenant fais périr un vieillard !

Ivo lui répond pour lui dire qu’il est son fils. Mais le vieillard égaré par la douleur ne l’entend pas et veut lui couper la tête. Le jeune homme s’enfuit. Son père le poursuit avec fureur. Mais tout à coup Ivo jeta devant lui la tête de l’aga qu'il portait dans le sac suspendu à sa ceinture. Le vieillard reconnaît son fils, l’embrasse avec enthousiasme et lui demande pourquoi il a pris ce dangereux déguisement. Le fils lui répond :

Quand j'entrerai au conseil comment aurait-on pu connaître que j'ai livré ce combat? Les seigneurs ne m'auraient pas cru si je n'avais pas rapporté une preuve visible.

Un autre poème nous raconte le mariage non moins romanesque d’Ivo de Senj avec une musulmane.

Ivo boit du vin avec trente de ses compagnons. Ils lui demandent pourquoi il ne se marie pas. Si c’est la faute d’argent ils lui offrent leur bourse, si c’est faute de fiancée ils lui offrent, les uns leur sœur, les autres leur fille.