Serbes, Croates et Bulgares : études historiques, politiques et littéraires

LE POÈME NATIONAL DU MONTÉNÉGRO 123

Ce fut le despote serbe Georges Brankovitch qui hérita d’une partie de l'État incohérent et mal délimité des Balchides. Dans la Haute Zeta, du côté du lac Scutari, la fa> mille des Tsernoievitch régna quelque temps sous li suzeraineté vénitienne, et fonda à Obod une imprimerie éphémère, la première des pays balkaniques, où un livre liturgique fut imprimé en 1494. C’est l’un des premiers et des plus célèbres incunables slaves.

Au début du seizième siècle, de 1514 à 1528, le Monténégro est occupé par l’Albanais Skanderbeg Tsernoievitch, qui est tout ensemble un prince serbe et un pacha turc; puis, sans avoir été formellement conquis et annexé, il est gouverné par une série de dynastes, les uns chrétiens, les autres Tures; mais toutes les fois que la guerre éclate entre la Porte et Venise, les indigènes s'efforcent de recouvrer leur indépendance. Nous avons au début du xvi siècle un document très curieux sur la situation de la région monténégrine : c’est, en italien, une Relation et description du Sandjak ou duché (ducato) de Seutari par un certain Mariano Bolizza, noble de Cattaro. Le document est daté de mai 1614‘. Il nous apprend que le sandjak de Scutari était alors commandé par un certain Mehmed bey Ballichienovich, qu’il qualifie de Ture albanais. Il divise le duché ou sandjak en six districts: Monténégro, Antivari, Dolcigno, Scutari, Podgorizza, Plava; les noms des chefs de district ou de commune sont généralement des noms slaves. Le Monténégro proprement dit comprend quatre-vingt-dix villages, qui comptent 3524 feux, mettent sur pied 8027 hommes dont 1 000 arquebusiers.

Le métropolitain de Tsetinie exerce l'autorité spirituelle ; un spahia chrétien, l’autorité administrative. Un certain nombre de points stratégiques sont occupés par les Tures ; mais une bonne partie de la population ne leur obéit point.

1. Ce document, dont l'original est à la Bibliothèque Saint-Mare, à Venise, a été publié par M. Sime Ljubic dans les Starine (Anciens textes) éditées par l’Académie Sud-Slave d’Agram (livre XII, Agram; 1880).

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