Serbes, Croates et Bulgares : études historiques, politiques et littéraires

LE POÈME NATIONAL DU MONTÉNÉGRO 425

on ne sait exactement, — au village de Niegouchi, non loin de Tsettinie, au cœur même du Monténégro. Il avait reçu au baptême le nom essentiellement slave de Radivoï (celui qui aime les combats) et ne prit le nom de Pierre que lorsqu'il embrassa la carrière monastique. Lorsqu'il fut arrivé à l’âge de dix ans, son oncle le vladika, autrement dit l’évêque souverain, le fit venir à Tsettinie et lui fit commencer ses études dans un couvent. La petite principauté n'avait pas d'écoles laïques. Puis il l’envoya se perfectionner en Dalmatie. Pierre, d’après les coutumes établies, n'était pas l’héritier du trône. Ce privilège revenait à son cousin, le jeune Georges Niesoch, qui à ce moment-là était élevé en Russie. Mais cet héritier présomptif avait des goûts militaires ; il se refusait à embrasser la carrière ecclésiastique et préféra rester dans l’armée russe. Ce fut Radivoï qui fut désigné pour le remplacer. Vers 1825, le poète serbe Simon Miloutinovitch avait eu l’idée de venir visiter le Monténégro, dont il fut un des premiers historiens. Quelque temps secrétaire du vladika et chargé d’instruire son successeur, il lui inspira un patriotisme ardent, un dévouement enthousiaste, non seulement pour la petite patrie monténégrine, mais aussi pour la grande patrie slave. Ces leçons, le futur prince les compléta par des voyages en Russie. J1 resla toujours reconnaissant à son maitre, lui dédia un de ses poèmes, et le célébra après sa mort dans une ode.

Pierre I* mourut le 1* octobre 1830 et, conformément à son testament, les chefs réunis à Tsettinie reconnurent Radivoï pour son successeur. Une lourde responsabilité allait peser sur la tête de ce jeune homme de dix-neuf ans, peut-être même de dix-sept; car, nous l’avons dit plus haut, on ignore la date précise de sa naissance.

Le Monténégro vivait alors dans un état absolument patriarcal ou plutôt franchement anarchique. Les diverses tribus se regardaient comme tout à fait indépendantes les unes vis-à-vis des autres. Le pays se divisaiten deux groupes principaux : la Montagne Noire proprement dite, qui représentait à peu près la partie occidentale de l’état actuel, et