Serbes, Croates et Bulgares : études historiques, politiques et littéraires

LE POÈME NATIONAL DU MONTÉNÉGRO 127

financier régulier chez un peuple essentiellement anarchique. À diverses reprises l’évêque dut parcourir en personne les nahias ou districts pour recueillir les impôts qu’on refusait à ses agents.

Les difficultés qu’il rencontra dans son œuvre d’organisation l’engagèrent à retourner en Russie pour solliciter de l’empereur un appui moral et une aide matérielle. Mais, pour aller en Russie, il fallait passer par Vienne et demander un passeport à l’ambassade. Ce passeport, on le fit longtemps attendre à Pierre IT. Il songeait déjà à renoncer à la Russie et à se tourner du côté de la France, lorsqu'il recut enfin le bienheureux parchemin. Il fut bien accueilli à Pétersbourg ; la subvention de mille ducats que recevait le Monténégro fut élevée à neuf mille. Cette somme ne fut pas perdue. De retour dans son pays, le vladika fit tracer des routes, construire des magasins pour les années de famine, une poudrière et, pour se loger lui-même ainsi que le sénat, une maison un peu plus vaste que les autres, qui fut appelée par le peuple le Bigliardo (le Billard). On y avait en effet établi un billard, et ce meuble nouveau, absolument inconnu jusqu'alors, avait vivement frappé l'imagination des rudes Monténégrins.

La situation de la petite principauté entre l'Autriche et la Turquie était fort délicate. Pierre IT réussit à traiter, avec la cour de Vienne, des questions de rectification de frontière sans l’intervention de son prétendu suzerain, le sultan. C'était une facon indirecte de faire reconnaitre l’indépendance de la Montagne Noire. L’évêque régla également des questions de frontière avec les pachas voisins, sans que la Sublime Porte erût devoir intervenir. Il y avait si loin en ce temps-là de Constantinople à Tsettinie !

Le saint synode russe avait accordé à Pierre II le titre de métropolitain du Monténégro et son prestige s’en étail trouvé accru. Mais il n'avait à l'étranger aucune espèce de représentation. À diverses reprises il dut aller à Vienne: pour des questions de frontière, et c’est durant un de ses voyages, en 1843, qu'il fitimprimer dans la-capitale la pre-