Serbes, Croates et Bulgares : études historiques, politiques et littéraires

LE POÈME NATIONAL DU MONTÉNÉGRO 431

Il avait appris à écrire des odes d’un style pseudo-classique sur le modèle de celles de Mouchitski, lequel fabriquait des épithètes truculentes à la façon de notre Ronsard. Il n'ignorait pas les publications de Vouk Karadjitch. Toutefois les relations littéraires, même entre voisins slaves, étaient encore très diMficiles, et il était difficile de suivre à Tsettinie le mouvement illyrien dont Zagreb (Agram) était alors le théâtre.

Il s’est inspiré bien rarement des modèles étrangers, sauf des poètes russes qu’il connaissait. On retrouve parfois dans ses œuvres des réminiscences de Lamartine, de Dante et de Milton.

Les circonstances politiques l'avaient obligé à embrasser la carrière ecclésiastique. Maïs il était aussi peu évêque que possible, et, sous la soutane noire, il gardait une âme essentiellement guerrière et laïque. Il procédait, sans s’en douter, de nos prélats philosophes du xvm siècle, des Bernis et des Talleyrand. Il mettait la communauté de race bien au-dessus de la communauté religieuse. « Il ne faut pas demänder, dit-il dans un de ses poèmes, comment un homme fait le signe de la croix !, mais quel sang coule dans ses veines et quel lait l’a nourri. »

Son œuvre littéraire est assez considérable. Dès la vingtième année il avait débuté dans les lettres par deux recueils de poésie : L’Ermite de Tsettinie et Le Remède de la cruauté turque, publiés à Tsettinie, en 1834. Le second de ces poèmes célèbre un épisode des luttes incessantes entre Tures et Monténégrins. En 1838, le poète, qui devait chanter plus tard le ban Jellacich, eut la singulière idée de célébrer, par une ode, l’avènement de son puissant voisin, l’empereur d'Autriche Ferdinand, dont il voulait évidemment se concilier les bonnes grâces. A diverses reprises il fit paraître, dans les revues serbes, des poésies philosophiques, qui n’ont qu'un médiocre intérêt, et des chants patriotiques, qui sont en général mieux réussis.

1. Les orthodoxes font le signe de la croix autrement que les catholiques.