Serbes, Croates et Bulgares : études historiques, politiques et littéraires

LE POËÊME NATIONAL DU MONTÉNÉGRO 135

sée très lentement et accompagnée de chants. Les danseurs de kolo évoquent les épreuves et les misères de la nation serbe, la journée de Kosovo où succomba son indépendance. Malheureusement le poète ne se dissimule pas assez derrière ses interprètes. À côté des souvenirs nationaux il mentionne les noms de Léonidas et de Sparte, dont les Monténégrinsillettrés n'avaient certainement jamais entendu parler. Ce pédantisme malencontreux vient fort mal à propos gâter des strophes qu’anime un souflle patriotique :

Partout le nom des Serbes a péri; les lions sont devenus des laboureurs, les faibles et les avares se sont faits Turcs.

Tout ce qui a échappé au sabre turc, ce qui ne blasphème pas la vraie foi, ce qui ne veut pas porter de chaînes s'est réfugié dans ces montagnes pour y périr ou verser son sang, pour y garder la gloire des héros, un nom fameux et la sainte liberté. Tous ces héros brillants comme les étoiles qu'ont engendrés jusqu'ici les montagnes, tous sont tombés dans les combats sanglants, tombés pour l'honneur, la gloire et la liberté, et ce sont les merveilleuses guzlas qui ont essuyé nos larmes.

Pourquoi, continue le chœur, dont je résume les lamentations, pourquoi la lutte n'at-elle pas continué? C'est qu’une partie des Serbes sont devenus des Musulmans. Les loups et les brebis vivent maintenant ensemble. Le Turc est l'ami du Monténégrin ; la foi chrétienne est menacée de disparaitre.

Les voiévodes se xeprochent mutuellement leur indolence et décident qu'il est temps d'agir pour débarrasser la patrie des renégats. Leur ardeur est encore surexcitée par le récit des violences récemment exercées sur une de leurs compatriotes par un ravisseur musulman. Le vladika leur prêche la guerre sainte dans un style qui, nous devons l'avouer, manque parfois de naturel :

L'obscurité plane sur la mer; le Croissant m'a caché le soleil… Jeune froment, épanouis tes épis. La moisson est venue pour toi avant le temps. Je vois des monceaux de victimes tomber sur

: l'autel de l'Église et de la race. J'entends des hurlements qui renversent les montagnes. Le moment est venu de servir l'honneur