Serbes, Croates et Bulgares : études historiques, politiques et littéraires

LA LITTÉRATURE SERBO-CROATE 39

La littérature politique naquit en 1843 avec le journal Novice rédigé par le D' Bleiveis. En 1852, un évêque patriote, Sloméek, fonda une société de Saint-Hermagoras pour la publication de livres populaires. Cette société, qui existe toujours, a puissamment contribué à exciter dans le peuple le goût de la lecture. Bien que leurs origines littéraires — ainsi que nous l'avons vu tout à l'heure — remontent à la Réforme, les Slovènes sont aujourd’hui d’ardents catholiques.

En 1866, à l'instar de ce qui s’était passé à Novi-Sad chez les Serbes de Hongrie, chez les Tchèques, chez les Slovaques, les Slovènes fondèrent une Matica, c’est-à-dire une société coopérative ou mutualiste d'édition. Cette société, qui au début ne comptait que cinq cents membres, en a aujourd’hui environ quatre mille. Ses publications embrassent à peu près tous les genres et sont assurées d’un public assidu et intelligent.

L'activité littéraire des Slovènes se concentre surtout à Laybach ; mais Klagenfurth (en slovène Celovec) lui a parfois disputé le premiertrang. C’est à Celovec qu’Antoine JaneZié (1825-1869) fonda le premier journal purement littéraire. Parmi ses collaborateurs l’un des plus considérables fut François Levstik (1831-1887) que ses compatriotes se plaisent à appeler le Lessing slovène ; Levstik fut tout ensemble critique, poète, romancier. Joseph Jurcié (18441881) fut surtout un peintre de la vie populaire, une sorte de Tourguenev slovène, dont certaines œuvres ont été portées avec succès à la scène. M. Tavezar (né en 1851) a écrit aussi des romans de la vie nationale ; l’un d’entre eux se passe à Lublania (Laybach) à l’époque du congrès qui valut à cette ville, d’ailleurs assez obscure, une renommée éphémère. En créant la revue Zvon (la Cloche) le poète Stritar (né en 1836) a donné à la littérature slovène l'organe périodique qui lui avait manqué jusqu'alors; chez Stritar le poète est doublé d’un critique et d’un philosophe. Mais son libéralisme a dû plus d’une fois se heurter au conservatisme