Serbes, Croates et Bulgares : études historiques, politiques et littéraires

LA LITTÉRATURE SERBO-CROATE 43

slave chrétien ait pris pour héros un musulman. Le fait demande quelques commentaires. Au mois de mai 1622 s'était accomplie à Constantinople une révolution de palais qui avait eu un retentissement considérable chezles chrétiens de la Péninsule balkanique et de l’Europe orientale: le meurtre du sultan Osman Il, étranglé par son grand vizir Daoud Pacha. Peu de temps auparavant les troupes de ce sultan avaient échoué au siège de Chocim ou Khotin en en Bessarabie; elles avaient été repoussées par celles du roi de Pologne Sigismond III. C’est le fils de Sigismond, Wladyslaw ou Ladislas (roi de Pologne de 1632 à 1648) qui est le véritable héros du poème dont la dénomination est plutôt inexacte.

Gundulié entretenait par sa famille ou par ses études de nombreuses relations avec l'Italie. À ce moment-là un duc de Toscane, Ferdinand III, avait eu l’idée d'apprendre la langue slave de ses voisins, les Dalmates, et c'était un jésuite apparenté à l’auteur de l’'Osmanide, Marin Gundulit, qui lui donnait des leçons. Dans une ode adressée à cet auguste élève, le poète ragusin célèbre la gloire de la race slave. Il joue comme le fera plus tard le Tchèque Kollar sur l’homonymie des mots slape et slapa (qui veut dire gloire) et il exalte la grandeur de sa race :

Elle s'envole comme une flèche sur son char ensoleillé, la Gloire (Slava), à travers la plus vaste partie du monde, l'étendue de toits les pays slaves.

L'éclat de son visage fait luire une brillante aurore depuis le pays de Raguse jusqu'au froid Océan glacial. |

Cent royaumes où l’on entend célébrer aujourd'hui le nom slave sont divisés par l'immensité de l’espace, mais réunis par la communauté de la langue.

.… Que partout où retentissent les paroles slaves,

Que de toute une moitié du monde une seule langue se mette à faire retentir ce chœur : |

« Ferdinand, prince couronné par-dessus les plus grands princes, toi que le monde plein de ta gloire tient pour le soleil de la terre,

« Éconte comme tout le peuple slave dans sa reconnaissance