Serbes, Croates et Bulgares : études historiques, politiques et littéraires

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Stimmen der Vôlker in Liedern, cite telle chanson de Kaëi” comme un vrai poème populaire. Et de fait quelques-unes des chansons de Katie ont si bien pénétré dans la conscience nationale qu’on a oublié leur origine littéraire et qu’elles semblent sorties des entrailles mêmes du peuple.

IV

Les petits peuples slaves, ainsi que je l’ai déjà fait remarquer, sont trop volontiers tentés de confondre la littérature avec la bibliographie. Je suis obligé de passer sous silence une infinité de noms qui n’ont aucun intérêt pour cette étude etde transporter brusquementle lecteur de Raguse à Agram, de Dalmatie en Croatie. C’est Agram en effet qui, vers 1835, devient le grand foyer du mouvement intellectuel.

Le développement de la littérature nationale coïnecida avec là renaissance de la littérature tchèque, avec les efforts des Magyares pour imposer leur langue aux différents peuples de la couronne de Hongrie. L’initiateur du mouvement ne fut ni un poète ni un lettré de génie, ce fut un simple publiciste, Louis Gaj; il trouva un appui intéressé auprès du gouvernement de Metternich, qui désirait tenir en échec les Hongrois. Après avoir d’abord publié un journal croate, il reprit aux voisins slovènes le nom de l’Illyrie et lui donna pour quelques années une consécration officielle. Sous l’épithète d’Illyriens il embrassait les Croates, les Serbes, les Slovènes ; le mot devint à la mode et l’on désigna sous le nom d’illyrisme le mouvement intellectuel et politique qui devait aboutir à la régénération de ces petits peuples. Mais au bout de quelques années le gouvernement viennois s’effraya de l'illyrisme ; le mot fut interdit, mais l’idée resta. Au terme illyrien on substitua celui de sud-slave (iougoslave) et la ville d’Agram resta le centre, le foyer intellectuel du sud-slavisme : pour faire rayonner plus aisément leur influence, les Croates renoncèrent à certaines particularités de leur idiome et adoptèrent en partie le parler plus harmo-