Serbes, Croates et Bulgares : études historiques, politiques et littéraires

64 SERBES, CROATES ET BULGARES

en Slavonie, en dalmate en Dalmatie, en bosniaque dans la Bosnie-Herzégovine ; à Raguse on n'avait pas inventé une langue ragusaine, mais on écrivait en slopinski. On trouve aussi parfois une dénomination encore plus vague, celle de la langue ilyrienne. C’est, je crois, celle qui se rencontre le plus rarement.

Ce n’est pas notre afaire d'étudier ici la répartition des dialectes dans les régions qui nous occupent. Rappelons seulement que les catholiques ont employé de préférence l'alphabet latin avec des orthographes plus ou moins fantaisistes ou anarchiques et les Serbes l'alphabet cyrillique, autrement dit gréco-slave. Les catholiques qui ont aussi pratiqué cet alphabet lui ont imposé certaines déformations, qui ne sont plus en usage aujourd’hui, et que l’on trouvera reproduites à la page 12 de l’ouvrage de M. Prohazka. Les deux religions catholique et orthodoxe se sont disputé les deux provinces jusqu'au jour où les musulmans sont venus en imposer une troisième à une certaine partie de la population. On devine aisément de quel côté sont aujourd’hui les préférences du gouvernement autrichien.

Le phénomène le plus intéressant de la vie intellectuelle c’est-à-dire religieuse — au moyen âge, c’est l'apparition de la secte des Bogomiles, secte analogue à celle des Patarins, et qui ne nous est guère connue que par les écrits de ses adversaires. Vigoureusement combattue par les pontifes romains et par les rois de Bosnie, cette secte avait encore de nombreux partisans quand les Turcs pénétrèrent dans les régions orientales de la Péninsule balkanique. Les familles nobles qui professaient sa doctrine se refusèrent absolument à rentrer dans le sein de l'Église romaine, et préférèrent embrasser volontairement la religion des envahisseurs. Elles passèrent à l'Islam et constituèrent la seule