Serbes, Croates et Bulgares : études historiques, politiques et littéraires

LOUIS GAJ ET L'ILLYRISME

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Ludevit Gaj' naquit en 1809 à Krapina non loin d'Agram, l’année même où Napoléon prenait possession des provinces illyriennes. Le nom de Krapina est célèbre dans les pays slaves ; c’est d’elle, suivant une légende, d’ailleurs parfaitement apocryphe, que seraient issus les trois frères Czech, Lech et Mech, ancêtres des trois nationalités tchèque, polonaise et russe. Sa mère, femme distinguée, était d’origine allemande ; le dialecte kajkave? qu’on parlait autour de lui était considéré comme un idiome inférieur, bon tout au plus pour les gens du peuple. L'éducation secondaire se donnait en latin et en allemand. Louis Ga] fit la sienne au gymnase de VarazZdin; il s’intéressa particulièrement aux antiquités de la région: après avoir achevé ses études à Karlovac (Karlstadt), il débuta dans la littérature par un petit volume écrit en allemand : Die Schlôsser bei Krapina. Quelques livres serbo-croates lui étaient tombés sous la main, notamment le volume de Katie : le Razgovor ugodni, le Noble discours sur la nation slave, où ce Franciscain patriote chantait les exploits des anciens Sud-Slaves et, par un anachronisme alors fort à la mode, les faisait remonter jusqu’au temps d'Alexandre le Grand. Il s’exerçait à écrire des vers en allemand et dans son dialecte kaïkavski.

En 1896, à l’âge de dix-sept ans, il alla étudier à Vienne, puis à Gratz, dont l'Université était alors très fréquentée par les Slaves méridionaux, Croates, Serbes, Slovènes : ils y avaient fondé un club illyrien et s’excitaient mutuellement à cultiver l’histoire et la littérature de leurs nationalités respectives. Parmi ces étudiants un certain nombre allaient jouer un rôle plus ou moins considérable dans la vie littéraire ou scientifique de leurs patries. Dans ses moments de

1. Prononcez Gaï. 2. Ainsi nommé de la façon dont se dit le pronom qui (kaj).