Serbes, Croates et Bulgares : études historiques, politiques et littéraires

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loisir, Gaj recueillait des proverbes et des chansons populaires eroates.

Il insérait de temps en temps des vers croates dans une Revue allemande d’Agram, qui les publiait d'assez mauvaise grâce, et cette circonstance lui inspira probablement l’idée d’avoir un jour une Revue bien à lui où il pourrait faire paraitre ses œuvres comme il l’entendrait. Il rêvait d'écrire une histoire des provinces illyriennes et, à l’âge de vingt et un ans, il se transporta à Budapest; il pensait trouver dans cette ville des materiaux qui faisaient défaut en Croatie.

Il y rencontra de nombreux Slaves et notamment le poète Jean Kollar, ce fougueux apôtre du Slavisme dont jai retracé ailleurs la curieuse et sympathique physionomie *. IL s’échauffa au feu de son enthousiasme et il apprit beaucoup — de vrai et de faux — à son école. Kollar le mit au courant des travaux de Schaffarik, qu'il devait rencontrer plus tard à Prague en 1833 et auquel il a fourni de nombreux matériaux pour son histoire de la littérature sudslave?. Ce fut probablement à l’instigation de Kollar qu'il écrivait en 1830 un petit traité d'orthographe croate où il proposait à ses compatriotes de mettre fin à l’anarchie qui divisait les écrivains et d’adopter un système rationnel et

uniforme, analogue à celui de leurs congénères tchèques, au lieu de se mettre à la remorque des étrangers, des Magyars ou des Italiens.

Les réformes que Ga] proposait n'étaient pas encore définitives. Mais son petit livre appela sur lui attention de ses compatriotes, notamment de ceux qui résidaient à Agram. Quelques-uns d’entre eux entrèrent en correspondance avec lui, mais ils étaient si peu sûrs de leur langue et de leur orthographe que certains lui écrivaient en allemand.

L'année suivante Gaj vint s'établir à Agram. Ses compatriotes se groupèrent volontiers autour de lui. Ce qui les intéressait particulièrement, c'était le récit de ses entre-

1. Russes et Slaves, 1'° série, 1 vol. in-12, Paris, 1889. 2. Sur Schalfarik, voir la Renaissance tchèque (Paris, Alcan, p. 104-139).