Serbes, Croates et Bulgares : études historiques, politiques et littéraires

LOUIS GAJ ET L'ILLYRISME TA

tiens avec Kollar, l’auteur de la Fille de Slava, ce poème mystique qui chantait la gloire passée des Slaves et prédisait leur triomphe dans l'avenir. Ga] était, parait-il, un merveilleux causeur. Il exerçait une action irrésistible sur ceux qui l’entouraient. Le charme de ses yeux et de sa voix était prestigieux. Comme écrivain il était en somme assez médiocre, mais il a été un puissant agitateur. Parmi ses premiers compagnons il faut signaler le futur professeur Babukié, le comte Janko Draëkovit, qui avait servi en qualité de colonel dans les guerres contre Napoléon, et qui ne cessait de revendiquer, contre les prétentions des Magyars, les franchises et les frontières de la patrie croate. Encouragé par les sympathies de ses compatriotes, Gaj entreprit de fonder un journal dans la langue nationale. Les autres peuples slaves de l'État autrichien, les Serbes, les Polonais, les Tchèques, avaient déjà, dans des proportions assez modestes, une presse indigène. Les Croates n'avaient rien ; mais c'était, dans ce temps-là, toute une affaire de créer un journal. Il fallait l'autorisation de l’empereur-roi. On a conservé le texte de la supplique adressée par le futur publiciste au Conseil royal ; elle est rédigée en latin. C’était alors la langue officielle de la Croatie. Toute la procédure relative à la requête de Gaj est rédigée dans cette langue. Naturellement ses démarches rencontraient peu de sympathie chez les Hongrois ou les Croates qui leur étaient dévoués et qu’on appelait les Magyaroni. Pour lever tous les obstacles, il eut recours à l’empereur lui-même ; il obtint une audience et fut reçu par le souverain le 29 mai 1833. L'empereur Ferdinand était à ce moment-là en assez mauvais termes avec les Hongrois, qui avaient été fort émus des événements de Varsovie et qui commencçaient à manifester eux aussi des dispositions révolutionnaires. Ilse montra favorable à la requête du jeune publiciste : « Les Hongrois foht beaucoup d’histoires, dit l’empereur; ils écrivent beaucoupetils voudraient empêcher les Croates d'écrire. »

L'autorisation fut donc accordée. Le publiciste eut la permission d’éditer deux recueils : le premier, intitulé Za