Serbes, Croates et Bulgares : études historiques, politiques et littéraires

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Gazette croate, devait paraitre deux fois parsemaine; l’autre, sous ce titre un peu long : L’Aube’ croate, slavonne et dalmate, devait être hebdomadaire. Pour recruter des abonnés, Gaj adressa des circulaires, notamment au clergé et à l’armée. Pour les officiers, ces circulaires étaient — notons le détail — rédigées en allemand.

Gaj eut encore à surmonter plus d’une difficulté, d’abord avec la poste, ensuite avec la censure; mais il réussit à triompher de tous les obstacles.

Le premier numéro de la Danica parut le 16 janvier 1835. Il avait pour épigraphe ces paroles : «€ Une nation sans nationalité est un corps sans squelette. » Dans le cinquième numéro, Ga] publia un petit poème imité d’un chant lyrique polonais qui est devenu l’hymne national croate: « La Croatie n’est pas encore morte. » Mais pour détourner l’attention des Magyars et de la censure, il le présenta comme un chant de guerre dirigé contre les Français à l’occasion de la campagne de 1813. Peu à peu il groupa autour de lui les publicistes et les poètes les plus remarquables de sa nation, les deux MazZuranié, les poètes Vraz et Trnski, le grammairien Babukié, etc.

Il avait imprimé les neuf premiers numéros avec l’orthographe traditionnelle dont j'ai dit les inconvénients et avec toutes les nuances dialectiques, sans rechercher l’unité de la langue littéraire. À dater du dixième numéro il imposa l'orthographe réformée avec les signes diacritiques‘de la langue tchèque et adopta définitivement le dialecte dit $tokavski”, lequel est devenu, avec de légères nuances lexicographiques, l’idiome littéraire des Serbes et des Croates, d’Agram à Belgrade et de Raguse à Saraevo.

L'année suivante il changea le titre de ses deux recueils. L'un devint Le Journal illyrien, l'autre L’Aube illyrienne. Ce nom, remis à la mode par Napoléon”, — embrassait tous les Slaves méridionaux. D'ailleurs Gaj et beaucoup de ses con-

1. Proprement, L'Étoile du Matin. 2. Sto veut dire qui; il est opposé à kaj. Voir la note de la page 70. 3. Voir mon Histoire d’Autriche-Hongrie, chapitre xxiv.