Serbes, Croates et Bulgares : études historiques, politiques et littéraires

LOUIS GAJ ET L'ILLYRISME 81

rent un monument dans sa ville natale, à Krapina. Il avait vécu assez pour voir s'ouvrir l'Académie sud-slave, pas assez pour assister à l'inauguration de l’Université d'Agram Sescompatriotes ont oublié ses défauts ou ses faiblesses de caractère, son manque absolu de critique historique. Ils n’ont voulu se souvenir que des grands services qu'il avait rendus à leur nation.

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L'époque à laquelle se rattache la période la plus active de la vie de Louis Gaj est essentiellement une époque d'’agitation, de fermentation internationale. Tout événement un peu intéressant qui se passe chez un peuple slave retentit chez les peuples congénères et excite chez eux un intérêt passionné. Entre Agram, Prague, Belgrade, Varsovie, Pétersbourg et même la lointaine Moscou, il y a un échange perpétuel d'idées et d’impressions. La Russie envoie chez les Slaves d'Occident ces missionnaires scientifiques, dont une légende malencontreuse a voulu faire des agents panslavistes. Entre Prague et Agram c'est un échange perpétuel de correspondances et de visites. Les Slaves méridionaux sauf les Bulgares, encore au début de leur émancipation morale — tournent leurs yeux vers Agram, le grand foyer de l'idée illyrienne, et dans cet Agram, c’est Gay qui est le chef de chœur du slavisme ressuscité. C'est à lui que s’adressent tous ses compatriotes ou tous ses congénères. Parmi ses correspondants serbo-croates, je relève au hasard de l’ordre alphabétique les noms de Babukié dont nous avons déjà parlé, de Matia Ban, le poète publiciste ragusain, dont presque toute la carrière devait s’écouler en Serbie, du comte Draëskovié, l’un des plus ardents apôtres de l’Illyrisme, de lovan Gavrilovié, un Serbe de Vukovar (Slavonie) qui passa au service de la principauté voisine, y devint ministre des finances et fut, avec Blaznavats et Ristitch, l’un des trois régents pendant la minorité du prince Milan, de

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