Serbes, Croates et Bulgares : études historiques, politiques et littéraires

LOUIS GAJ ET L'ILLYRISME 83

celles du personnage qui étoit le chef spirituel des Serbes orthodoxes de Hongrie, du patriarche Rajacit. Elles sont datées de l’année 18/9 et respirent l’enthousiasme de cette époque héroïque : « Persévérez, chevalier national, philosophe national, dans la voie que vous avez glorieusement ouverte; écartez tous les préjugés du fanatisme (c’est un prélat orthodoxe qui parle à un publiciste catholique). Dans l'esprit de la vraie doctrine du Christ, sur la base de la vraie humanité, réunissez nos frères du Sud, afin que nous puissions atteindre le plus tôt possible et le plus heureusement notre vrai but. » J’ai entendu plus tard le même langage dans la bouche d’un illustre prélat catholique, l’évêque Strossmayer.

Parmi les Tehèques ou les Tchécoslovaques avec lesquels Gai fut en rapport, je relève les noms de Hanka, de Jean Kollar, de Palacky, de Schaffarik. Hanka, en 1838, lui demande ses journaux pour le Musée de Prague, qui reçoit déjà des périodiques russes et polonais : « La lecture silencieuse des journaux nous paraît plus sûre et plus utile que des manifestations tumultueuses. » Palacky (septembre 1853) déclare qu’il lit assidûment les journaux de Gaj et qu'il éprouve un grand étonnement à constater avec quelle patience le publiciste croate enregistre dans son journal toutes les injures des Magyaromanes sans y répondre: « Si c’est du stoïcisme, vous êtes un plus grand philosophe que je ne saurais l'être; si c’est pour obéir à la censure, je ne sais vraiment ce que je dois penser de la Constitution hongroise. »

Les lettres de Schaffarik sont fort nombreuses. Les premières sonten allemand, les dernières en tchèque. Au moment où la correspondance débute, Schaffarik est professeur au gymnase de Novi Sad, sur les frontières mêmes des pays croates ; mais les communications sont à ce moment-là fort difficiles et dans sa première lettre il se plaint du particularisme égoïste des Slaves méridionaux. Non seulement ils s’ignorent, mais même ils se méprisent entre eux. C’est le devoir des savants et des littérateurs de combattre et de dissiper cette ignorance. Schaffarik revient sur ses idées dans une lettre datée de Prague en 1835. Il loue Gaj de sa