Serbes, Croates et Bulgares : études historiques, politiques et littéraires

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tolérance : « Notre fractionnement, notre anarchie est la cause de tous nos malheurs. » À dater de 1836, il écrit ses lettres en tchèque : il s'efforce de trouver dans les pays illyriens quelques souscripteurs pour les Antiquités slaves, dont j'ai raconté ailleurs Le pénible enfantement. La correspondance se prolonge jusqu’en 1848 : Schaffarik invite Gaj à ce Congrès de Prague qui devait échouer si lamentablement. « Les yeux de l’Europe, dit-il, sont tournés vers ce Congrès. »

Les Polonais eux-mêmes, malgré leurs préoccupations nationales, suivent avec intérêt le mouvement de l'Illyrisme et l'œuvre de Gaj. Parmi ses correspondants, je relève les noms de Bonkowski, de Michel Czajkowski, de Georges Lubomirski, du célèbre jurisconsulte Maciejowski.

Hiéronyme Bonkowski était probablement un de ces émigrés polonais qui étaient alors fort nombreux à Paris. Au moment même où le Gouvernement de Louis-Philippesongeait à fonder au Collège de France une chaire de littérature slave‘ pour le poète Mickiewiez, il s’imagina que le public français pourrait s'intéresser à une Revue slave rédigée en notre langue. Il réclama le concours des Slaves les plus compétents, il s’adressa notamment à Gaj: « Les Français, lui écrivait-il, n’ont aucune idée de ce qui se passe au delà du Rhin; ils croient que tous les pays situés au delà de ce fleuve appartiennent à la race germanique ; par conséquent, ils vous regardent, vous autres Illyriens, ou comme Allemands ou comme Italiens, parce que plusieurs noms propres de vos villes portent des noms italiens qui les induisent en erreur. »

J'ignore ce que répondit Gaj à cette invite. Ce que je sais, c’est que la Revue en question à paru et qu’elle n’a eu qu'une existence éphémère. D'ailleurs aucun des périodiques analogues qui lui ont succédé n’a pu s'imposer à l’attention du public français.

1. J'ai raconté l’histoire de cette fondation au troisième volume de Russes et Slaves (Paris, Hachette, 1896.)