Serbes, Croates et Bulgares : études historiques, politiques et littéraires

90 SERBES, CROATES ET BULGARES

qui au fond était pour les Slaves orthodoxes ce que le latin était pour les peuples catholiques.

Raïtch n’est pas seulement théologien et historien, il se fait poète à l’occasion. Sous ce titre : Lutte du dragon contre les aigles il chante les guerres des Autrichiens et des Russes contre les Turcs ; il les chante dans la langue populaire avec un fâcheux abus d’allusions mythologiques. Evidemment son poème ne s’adressait pas au même public que les chants des gouslars*.

Malgré l’inexpérience de l’écrivain et la lourdeur du style, ce poème publié pour la première fois en 1791 à Vienne, a été réimprimé deux fois dans notre siècle, en 1839 à Belgrade et en 1883 à Pantchevo. On peut citer parmi les œuvres poétiques de Raïtch un drame sur la mort du tsar serbe Ouroch V. C’est une tragédie de collège sur laquelle il n'y a pas lieu d’insister.

Ce qu’il ya de plus intéressant parmi les écrits de Raïtch ce sont ses travaux historiques, et le plus important c’est l'ouvrage intitulé : Histoire des divers peuples slaves, notamment des Bulgares, des Croates et des Serbes. La première édition en quatre volumes parut à Vienne en 1794. L'année suivante le premier volume fut réimprimé à Saint-Pétersbourg. Mais la censure impériale, très facile à effaroucher, interdit la publication des suivants. Une seconde édition de l’ouvrage a été donnée à Bude en 1823. La langue de l'ouvrage est un mélange, qui nous paraît aujourd’hui fort désagréable, de slavon, de russe et de serbe. Ce macaronisme lui assurait des lecteurs tout ensemble chez les Slaves riverains du Danube et de la Néva.

Dès l’année 1768 Raïtch avait achevé cet ouvrage à Karlovtsi, et le manuscrit primitif portait sur le titre que l’auteur avait arraché à l'oubli l’histoire de ces nations et qu'il l'avait rédigé en sa langue maternelle (singulière illusion !).

1. Rhapsodes populaires qui chantent en s’accompagnant de la gousla ou guzla.