Souvenirs militaires d'Octave Levavasseur, officier d'artillerie, aide-de-camp du maréchal Ney (1802-1815) : un officier d'état-major sous le 1er Empire

58 SOUVENIRS D’OCTAVE LEVAVASSEUR

tages qu’à l’avant-garde, et nous fûmes pendant tout ce temps réduits à vivre d’un baril de choucroute crue. Des besoins plus impérieux forçaient à démolir les maisons qui avoisinaient le camp et à s'emparer de tout ce qu’elles contenaient; les soldats revenaient avec des cadres, des tableaux, des instruments de musique, des meubles; ils ne voyaient dans tous ces objets que du bois de chauffage.

Quel spectacle que la vue d’un des camps aux premières lueurs du matin, lorsque nous changions de bivouac! Des milliers de feux épars, fumant encore, au milieu desquels se trouvaient des quartiers de bœuf, de cochon, restes du repas de la veille, des matelas, des canapés, des tables, le tout à moitié brisé, et des paysans cherchant parmi ces débris ceux qui ont pu leur appartenir!

Parfois je choisissais une maison isolée; mes chevaux et une partie de mes hommes y trouvaient un gîte. Pendant notre sommeil, d’autres soldats, arrivant par milliers, montaient sur le toit de notre maison et la démolissaient en un clin d'œil.

Ailleurs, n'ayant pour abri que des panneaux de bois, arrachés aux habitations, et des portes inclinées, et pendant que nous dormions, la tête sous cette espèce de tente et les pieds sur le feu, la paille de nos bivouacs s’enflammait et nous étions réveillés en sursaut au milieu de l'incendie.

Dans ces nuits si tourmentées, des canonniers revenant de la maraude sonnaïent la soupe à trois