Sur un portrait inédit de Naundorff : (1832)

4 SUR UN PORTRAIT INÉDIT DE NAUNOORFF

son adresse. Ma volonté y est contenue et je regarderai comme ennemis déclarés de la patrie tous ceux qui voudraient s’y opposer. Que les desseins que j'y montre prouvent à mes persécuteurs que je ne me tais pas par crainte, mais parce que j'aime ma patrie. J'espère que je ne serai pas obligé de les nommer. Pour vous, Monsieur, qui êtes certainement un vrai ami de la patrie, je vous invite à donner connaissance de ma volonté au gouvernement. Ne faites plus de recherches, l'avenir va informer toute la France que le malheureux qui a été persécuté d’une manière inouïe n’a jamais cessé d'être Français. Pour qu'il ne résulte de là aucun danger pour les personnes chères à votre cœur, il est remis à votre disposition de faire parvenir ma résolution aux représentants de la France en employant les moyens que les lois permettent et, si on l’exige, je suis prêt à présenter à un tribunal de ma patrie les preuves les plus incontestables de mon identité, si cela se peut faire sans troubler la tranquillité de la France.

Pendant le temps que vous n'avez pas reçu de lettre, j'ai fait une grande perte. M. Pezold, mon mandataire, attaché très ardent à mes intérêts, est mort le 46 mars de cette année !. C’est une cruauté de mon destin qui m'a enlevé cet ami yrai et sincère. Toutes nouvelles que vous voudriez bien me donner me parviendront sûrement sous l'adresse : à M. Gaebel, à Crossen.

Agréez les sentiments de ma plus grande considération,

Louis-CHARLES, Duc de Normandie ?.

Cette lettre est d’un fou qui n’est pas bête : Naundorff, dont la conscience n’était pas immaculée et dont les avatars fourniraient matière à vingt romans d'aventures, Naundorff connaissait les hommes et n’ignorait pas qu’une certaine incohérence fastueuse les effare et leur plaît. (Aussi ira-t-il plus tard jusqu’à converser sans rire avec un archange, jusqu’à fonder une religion : et sa mégalomanie croissante de visionnaire très pratique ne diminuera pas le nombre de ses croyants. Comme l’entêtement est humain, il en compte plus que jamais aujourd’hui, sans doute parce que Grégoire XVI lui a solennellement dénié son titre 5, parce que le comte de Chambord l’a appelé « un des faux Louis XVII 4 », parce que les plus chauds de ses « historiens » ont cru devoir commettre, pour le défendre, des faux historiques désormais indiscutables, parce qu’enfin l’une des commissions du Sénat actuel a pris en main la cause de cette « légitimité » singulière).

1 Ni Naundorff ni les naundorffistes ne parlaient encore de mort subite ou d'empoisonnement. Peu à peu, un assassinat leur parut utile et, par suite, évident. à

2 Lettre inédite. Biblothèque de Cahors, manuscrits Albouys, t. I, p. 93.

3 Illius perdili hominis qui falso se Normanniæ ducem jactal, « cet homme perdu qui se vante faussement d’être le duc de Normandie » (Bref de Grégoire X VI, à l’évêque de Bayeux, 8 novembre 1843).

4 Journal inédit, 13 février 1874.