Théveneau de Morande : étude sur le XVIIIe siècle

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teront pour me voir, vous leur direz que je n'y suis pas. »

Le gaspillage et le mauvais emploi des croix de Saint-Louis excitent aussi la verve du libelliste. Il ne peut se faire à l’idée qu’on décore tel jeune officier, bâtard d’un ministre, au moment même où il vient d’être déshonoré par sa lâcheté dans une rixe; il trouve incroyable qu’on n'ait pas retiré sa croix à M. de Bellegarde, condamné par le conseil de guerre comme ayant favorisé son beau-frère Mathieu dans un vol d'armes fournies au roi. On a vu un chevalier de Saint-Louis porter la queue à un cardinal; On en a vu un autre porter la queue à la Du Barry. « On voit des croix de Saint-Louis à la tête des maisons de jeu, des tripots, etc., en sorte qu'il est presque aussi honteux de l'avoir ou de ne lavoir pas. »

Il ne s'arrête même pas devant les immunités diplomatiques et rapporte, en termes crus, la mésaventure de cet ambassadeur de Venise, qu'on avait trouvé évanoui, pour des raisons assez peu morales, dans le jardin du Luxembourg. Il fut « ramené à son hôtel par deux suisses, qui lui auraient donné un logement, s’il ne s'était pas nommé au sortir de son évanouissement; les suisses, ayant remis ce ministre entre les mains du secrétaire d’ambassade,