Théveneau de Morande : étude sur le XVIIIe siècle

MORANDE PEINTRE DE MŒURS. 103

Bien qu'il soit prudent de n'accepter les allégations du pamphlétaire qu'avec circonspection et sous bénéfice d'inventaire, il n'en fournit pas moins bien des renseignements curieux sur toutes les classes de la société de son temps. Après la noblesse, le clergé, la magistrature, il passe en revue les financiers les plus en relief et nous initie aux détails intimes de leur vie privée. Il nous parle d’abord des fermiers généraux, et cite notamment deux d'entre eux, Bouret et Dangé. Quant à Dangé, fils de tonnelier, ancien garçon d’auberge, qui avait fait d'une place de commis dans les bureaux de

moins faciles. Il eut de nombreuses maîtresses, notamment la signora Chiavacci, qui avait obtenu un grand succès dans l'opéra bouffe de Piccini Z/ Matrimonio per inganno, et déployait un luxe inouï dont les nymphes de l'Opéra se montraient jalouses. Les galanteries d’Amelot eurent pour sa santé des suites douloureuses. En 1783, il eut une étrange maladie, à en croire les Mémoires secrets : «On en parle hautement à la cour, on en plaisante; on dit qu'il a la maladie des serins…... ce qui confirme ce soupçon, c’est que personne ne peut approcher de lui, depuis trois mois et plus, pas même sa famille. Une naïveté de son suisse le tourneroït en certitude, si elle étoit vraie. On veut qu’un quidam, vingt fois venu pour parler à ce ministre et n'ayant pu y parvenir, ayant demandé à ce suisse, d’un air mystérieux : Mais est-ce que M. Amelot auroïit la petite vérole? il lui ait répondu brusquement : Bon! estce que vous prenez mon maître pour un enfant? »