Théveneau de Morande : étude sur le XVIIIe siècle

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lui, à des jours marqués, sans que personne s’en doute dans la maison de Son Excellence. I] n'ignore pas que le comte d'Arande, ambassadeur d’Espagne, après avoir congédié M'° Cléophile ‘ pour faire sa cour au chaste Louis XVI, n’a pu s'empêcher de la reprendre. Il a feuilleté le carnet sur lequel M'° Dubois, une fugitive de la Comédie-Française, inscrivait les noms de ses amants, et il a noté le total des heureux qu’elle avait faits : 16527 *. Il raconte, comme un beau trait de loyauté, que M'° Grandi ayant eu avec son adorateur titulaire une petite querelle de ménage, fit monter son portier qui certifia sous serment qu'il n’était entré chez elle que six personnes suspectes dans toute la

1. C'était une ancienne danseuse de l'Opéra. Elle eut beaucoup d’adorateurs, entre autres la Harpe qui s’éprit d’elle comme un jeune homme, bien que la santé de la belle fût sujette à caution, et qu’elle eût figuré dans le sérail du prince de Soubise. La Harpe s’afficha partout avec elle, au théâtre, à la Redoute et même à l’Académie. V. la Correspondance de Grimm, t. IX, p. 183;

2. Les Mémoires secrets (2 mars 1763) nous disent que Mile Dubois n'avait pas de talent, mais était «une très-jolie créature ». Ailleurs cependant (4 mai 17062), on dit qu’elle louchait et que son visage ne pouvait rendre que les rôles de furies. En revanche, elle avait un très bel organe (Mémoires secrets, 20 août 1767). Mais ses grands bras étaient insoutenables (Ibid., er mars 1769). Cela ne l’empéêchait pas d’avoir une :