Théveneau de Morande : étude sur le XVIIIe siècle

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duc de Durfort, se précipite dans la garde-robe de cette fille célèbre et y prend un bain parfumé. C’est la singulière humiliation que subit la même courtisane, proclamée par Morande « l'héroïne de nos filles ! ». Un jour, un équipage pompeux s'arrête à la porte de la belle. On en voit descendre un jeune homme magnifiquement vêtu et entouré de valets de grand style. Il monte, s'annonce pour un étranger de la plus haute distinction, et fait à la Du Thé les promesses les plus brillantes. Comment résister à un si brillant cavalier, quand on n'est pas une vertu farouche? L'étranger, n'ayant plus rien à désirer, prend congé et dépose, en partant, une lourde bourse sur la toilette; mais, à peine le noble visiteur est-il remonté dans son carrosse de gala, que la Du Thé ouvrit la bourse et n'y trouva que des jetons de cuivre. On apprit le lendemain que le prétendu prince exotique n'était qu'un valet déguisé qui, avec la complicité de ses camarades et grâce à l'indiscret emploi des habits et de la voiture de son maître, avaitimaginé cette comédie galante.

1. La même anecdote se trouve dans la Chronique scandaleuse, t. I, p. 87, édit. de 1791. -- On peut lire dans la Gazette noire, p. 100, et dans l’Espion anglais, t. IT, p. 201, une épître sur les courtisanes dédiée à Mie Du Thé.