Théveneau de Morande : étude sur le XVIIIe siècle

MORANDE PEINTRE DE MŒURS. 113

La Du Thé pouvait d’ailleurs se consoler d'une mésaventure aussi douloureuse pour son amour-propre : les plus grands personnages se disputaient ses faveurs. Si l'on en croit l'Espion anglais et la Police dévoilée, elleaurait, étantencoresimpleespalier d'opéra, recu du duc d'Orléans la délicate mission d’inculquer au duc de Chartres les premiers éléments de l’art d'aimer. Le comte d'Artois montra du goût pour elle. M. de Sartine l'honora de sa protection, ce qui permit à Morande de diffamer le ministre de la marine dans une brochure dont parle la Correspondance secrète (la Cassette verte, trouvée dans les papiers de M'° Du Thé, 17709). La Du Thé étalait un luxe insolent et se montrait à Longchamps dans un équipage à six chevaux dont les harnais étaient en maroquin bleu, recouvert de plaques d'acier. Pendant son voyage en Angleterre, elle inspira une violente passion à Fox et à lord Sh*** qui, en un mois, dépensa pour elle 7,000 guinées. La femme de ce prodigue, passant devant la courtisane, à la sortie de la Comédie italienne, se contenta de dire au lord en souriant : « Oui, elle n'est pas mal. » Manuel attribue le même mot à la marquise de Genlis, lorsque le marquis, dont les mémoires du temps racontent les folies et les

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