Théveneau de Morande : étude sur le XVIIIe siècle

L'OPERA. 131

pourtant, puis vont prendre le frais dans le bois. Au détour d’une allée, les trois promeneurs entendent des éclats de rire. On allume des torches, et qui trouve-t-on? Nivelon avec la Deville. Elle en fut quitte pour une bordée d’'injures; mais Nivelon ne s’en tira pas à si bon compte et recut force coups de canne. Le danseur porta plainte au lieutenant de police, qui en informa le roi. Ce fut le maître des requêtes, M. de Clugny, qui paya pour les autres. Il fut exilé en Bourgogne. « Quant aux deux camarades de M. Clugny, lit-on dans les Mémoires secrets, moins coupables, les ministres, leurs pères parent le coup et les semoncent vigoureusement. Ces deux-ci sont conseillers au Parlement; et la compagnie aurait trop à faire si elle prenait garde aux étourderies scandaleuses de tous ses membres, dont il y en a soixante environ de cette espèce; il y en a bien quarante parmi les maîtres des requêtes. Qu'on juge à l'échantillon de tous ces magistrats et du bonheur d’avoir de pareils arbitres de la liberté et de la vie des citoyens! »

Des danseurs aux danseuses la transition est facile. Morande passe en revue cet escadron léger. En tête marchait la célèbre Guimard, l’une des courtisanes les plus riches et les plus adulées. « Cette demoiselle, écrivait Dauvergne, a