Théveneau de Morande : étude sur le XVIIIe siècle

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de son maître Lemoine. Dans l'opéra d'Ariane, elle fitscandale, pouravoir eu l'audace de paraître avec un costume grec dessiné par Moreau jeune, les jambes nues et chaussées du brodequin. Le rôle de Didon, dans l'opéra de Marmontel et Piccinni, mit le comble à la réputation de la Saint-Huberty. Les deux auteurs, saisis d’enthousiasme, se mirent à genoux devant elle et lui baisèrent les mains. Cette admiration était d'ailleurs partagée par la cour : Amelotenchaïna l'artiste à l'Opéra pour huit ans, en lui faisant des conditions superbes. Grimm dit d'elle, à propos de la dernière représentation de la Didon de Piccinni, en janvier 1784 : « C'est la voix de Todi ; c’est le jeu de Clairon *. » Quant à l’au-

1. T. XII, p. 9. On jeta à lactrice une couronne de laurier, entourée d’un ruban blanc sur lequel on lisait : « Didon et Saint-Huberty sont immortelles. » En août 1785, elle donna plusieurs représentations à Marseille. Une fête digne de Cléopâtre couronna cette saison théâtrale. Saint-Huberty se promena dans la rade sur une gondole, armée de huit rameurs vêtus comme elle à la grecque. 200 barques, chargées de ses admirateurs, lui faisaient cortège. Arrivée à terre, elle se coucha sur un divan et recut les hommages du peuple. Il y eut ensuite une représentation allégorique où Apollon la sacra dixième muse; enfin un souper de 60 couverts où l'actrice chanta en patois provençal. » Grimm trouve ces honneurs exagérés et dit que Paris ne fêta pas avec un pareil enthousiasme Lekain et Mlle Clairon, t. IX, p. 407.