Théveneau de Morande : étude sur le XVIIIe siècle

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traite d'égal à égal avec les princes. Un soir, au milieu d’une représentation d’Adèle de Ponthieu, le public trouva indécent qu'elle regardât si familièrement le comte d'Artois, et la siffla. Une autre fois, elle offre au duc d'Orléans un feu d'artifice, en l'honneur de la naissance du duc de Valois. Le puissant duc de la Vrillière la menace du Fort-l'Évêque, si elle refuse de jouer, en prétextant des indispositions imaginaires. Elle ne faiblit pas et vient le soir dans la salle pour prendre, dit-elle, une leçon de M! Beaumesnil qui doublait son rôle « sans avoir l’âme nécessaire ». Le prince de Hénin est longtemps son fidèle ‘, et Voltaire, en 1778, va lui rendre hommage, lui le dieu et

insignifiants, mais admirablement illustrés : « Dorat se sauve par les planches. »

1. En août 1774, Gluck eut une altercation avec le prince de Hénin chez Sophie Arnould. Le prince, qui ne quittait pas le salon de l'actrice, se plaisait à tenir des propos désagréables pour la musique et les musiciens. Il arfivé un jour chez Sophie, alors que Gluck s’y trouvait. Le compositeur ne s’étant pas levé: « L’usage en France, s’écrie le prince, est de ne pas rester assis quand on voit entrer un homme d’importance. L'usage en Allemagne, répliqua Gluck, est de ne se lever que pour les personnes qu'on estime. » Et Sophie ayant essayé de réparer cette impertinence, Gluck irrité lui déclara qu'il ne reviendrait plus chez elle, puisqu'elle n’y était pas la maîtresse et ne faisait pas respecter l’art.