Théveneau de Morande : étude sur le XVIIIe siècle

L'OPÉRA. 149

l’idole du xviu° siècle. Sophie Arnould m'était pas seulement une artiste merveilleuse, c'était aussi un cœur passionné, aimant, quoique traversé de caprices bizarres et de passions fougueuses. Elle aima successivement le comte de Lauraguais, Bellanger, le dessinateur des menus qui voulut l’épouser, et le comédien Florance qui supplanta Bellanger. Ce comte de Lauraguais est le même qui traita Theveneau de Morande d'une manière si cuisante et qui s’illustra par ses excentricités. N'est-ce pas lui qui, un beau jour, irrité de rencontrer constamment chez Sophie le prince de Hénin, appela gravement quatre docteurs de la Faculté et leur fit signer une consultation établissant par raison démonstrative qu'on pouvait périr d’ennui, et qu'une femme exposée à mourir d'ennui avait le droit incontestable de chasser de chez elle un homme qui la faisait bâiller à toute heure du jour? Puis, le comte adressa ladite consultation à son rival, par ministère d’huissier. Lauraguais avait, du reste, la passion bien tyrannique et l'actrice se révolta plusieurs fois. Voulant en finir avec le jaloux, elle profita d'une absence du comte, qui était allé à Genève montrer à Voltaire une tragédie de sa façon, et renvoya à M de Lauraguais tous les bijoux qu elle tenait de la libéralité du gentilhomme,

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