Théveneau de Morande : étude sur le XVIIIe siècle

L'OPÉRA. 151

au-dessous du buste de l'objet de son culte, comme on disait en ce temps-là :

Ce buste nous enchante. Ah! fuyez, mes amis, Fuyez! que de périls on court près du modèle! Je n’ai jamais vu d'homme en sa présence admis Qui n’entrât inconstant et ne sortit fidèle.

Murville ! poussa le fanatisme pour Sophie jusqu’à épouser, en 1780, la fille de l'actrice qui n’était nullement jolie, et qui disait : « Ma mère à un an de moins chaque année : si elle continue, je deviendrai sa sœur aînée. » Sophie, à tout le moins, restait toujours jeune par l'esprit. Quand elle dut abandonner le théâtre, son salon lui resta, avec une pléiade d'hommes de génie ou de talent. Voltaire, Rousseau, Diderot, Sedaine, Beaumarchais, Dalembert, Duclos, Helvétius, toute la fleur du xvm siècle, y brillèrent tour à tour. Et voilà ce que Morande, parlant d’un lieu illuminé par tant de rayons de gloire, appelle un sénat de tribades! Nous

1. En août 1785, les Mémoires secrets annoncent qu’on va donner sous peu aux Français une comédie de M. André de Murville, le gendre de Sophie. Les trois personnages du drame étaient la belle-mère de l'auteur, Bellanger et Florance. On peut consulter sur la liaison de Sophie avec Bellanger la jolie étude des frères de Goncourt : Sophie Arnould, d’après sa correspondance et ses mémoires inédits, Paris, 1 vol. in-12, 1851.