Théveneau de Morande : étude sur le XVIIIe siècle

152 THEVENEAU DE MORANDE.

touchons ici à un point délicat : car Morande pouvait rivaliser de méchanceté avec une femme de théâtre, et il ne faut accepter ses médisances, empruntées pour la plupart à l’Espion anglais !, que sous bénéfice d'inventaire. Cependant la liaison de Sophie avec M! Raucourt est trop bien constatée par les témoignages contemporains pour qu'on puisse la révoquer en doute,

Qu’était-ce donc que M1! Raucourt? C'était la gloire de la Comédie-Française. Fille d’un acteur de province, elle avait joué, encore enfant, de petits rôles sur le théâtre de Cadix. Plus tard, elle prit des leçons de Brisart et de M'® Clairon. Grimm raconte avec enthousiasme ses débuts à la Comédie-Francçaise, dans une pièce de Lefranc de Pompignan, Didon : « Les jours que M"° Raucourt jouoit, les portes de la Comédie étoient assiégées dès dix heures du matin. On yétoufloit; les domestiques qu'on envoyoit retenir des places couroient risque de la vie... » Le roi donna 50 louis à la débutante. Me Du Barry, les princesses de Beauvau et de Guéménée, la duchesse de Villeroy lui en= voyèrent de magnifiques robes de théâtre. Le banquier Beaujon mettait son hôtel à sa dispo-

1. V. l’Espion anglais. t, X, p. 254 et suivantes.