Théveneau de Morande : étude sur le XVIIIe siècle

MORANDE ET LA RÉVOLUTION. 305

Si, jetant un coup d’œil en arrière, on essaie de caractériser la vie et les œuvres de Theveneau de Morande, on n’éprouve aucun embarras. M. de Loménie ! pouvait se dispenser, pour répondre aux susceptibilités très respectables des descendants de l’audacieux pamphlétaire, d'établir doctement que Morande n'a pas toujours été un citoyen honorable et que les très graves écarts de sa jeunesse méritent le blâme. Il a été, dès le premier jour, et il est resté jusqu’à la fin le moins scrupuleux des hommes : un aventurier de lettres, vendant sa plume au plus offrant et prêt à changer de drapeau suivant les hasards du combat. Joueur, libertin, escroc, il débute par se brouiller avec sa famille et avec la justice ; et bientôt, réduit à sortir de France, organise, sous le couvert de l'hospitalité britannique, une véritable officine de chantage. Sans s'attarder à l'attaque des personnages de second ordre, il vise à la tête d’un roi, en le menaçant de dévoiler au monde le scandale de ses basses amours; défiant les petites ruses de la police française, il force le monarque à lui envoyer presque un grand homme comme ambassadeur et réduit l’amant de la Du Barry à composition. Ainsi devenu riche, à force d’audace et de

1. Beaumarchais et son temps, t. I, p. 381 et 383. 26,