Théveneau de Morande : étude sur le XVIIIe siècle

MORANDE POLICIER. 73

pour surveiller le surveillant de Boissière? Ce même Theveneau deMorande qui avaitnaguère réduit à merci le gouvernement du feu roi. « Morande peut être utile, lit-on dans la lettre de Vergennes; le drôle se connoît en fripons. » Et Lenoir répondait au ministre : «Jetremble, quand j'envisage qu’un libelle affreux pourra être répandu, faute d’un sacrifice d'argent. » Voilà par quels procédés ingénieux on amenoit le contrôleur général à signer une ordonnance pour remplir les traites sur Londres qui servaient à faire prospérer l'honorablecommerce des libellistes français. Le comte de Vergennes n’était pas assez simple d'esprit pour ne pas s’apercevoir qu'on le traitait en simple dupe. Morande, dans le dessein de se rendre nécessaire, affectait de partager l’indignation du ministre, et l'engageait à faire retomber sur Boissière toute la responsabilité du chantage. Il donnait une véritable consultation sur les moyens à employer pour se débarrasser des libellistes : citait l'exemple de Shebbeare, mis au pilori pour des lettres contre le feu roi Georges II et la maison de Hanovre; énumérait complaisamment les noms des libraires condamnés, par suite de leurs méfaits, à diverses peines, entre autres : Bingley, mis au pilori pour avoir imprimé les lettres de Junius; Griffitz, empri-

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