Théveneau de Morande : étude sur le XVIIIe siècle

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de grand chemin, et regrettait le temps où la Chambre étoilée faisait couper les oreilles aux libellistes, après leur avoir infligé de longs mois de prison préventive, les fers aux pieds, dans de sombres cachots. Certes, le ministère français eût volontiers suivi les conseils du « Gazetier cuirassé métamorphosé en mouche». Mais la philippique de Morande ressemblait à une ironie mordante; car la législation anglaise ne permettait pas d'employer de pareils moyens de répression. La procédure de l'information au banc du roi pouvait durer plus d’un an. Le tribunal des justices of the peace, composé d’épiciers, de drapiers, de charpentiers et d'autres gens de petit état, n'était pas compétent pour juger les libellistes. Quant à la loi commune, elle ne permettait pas de réprimer les abus de la presse. Il fallait recourir à des statuts quiautorisaient la détention descitoyens anglais, accusés d’avoir diffamé leur souverain, jusqu'à ce qu'ils eussent représenté en justice les véritables auteurs des écrits diffamatoires. Le ministre des affaires étrangères de Louis XVI eut l’idée de demander l'extension de ces statuts aux libelles injurieux, publiés en Angleterre contre un prince étranger. Il fit élaborer par Morande un projet en ce sens, qui portait que les réfugiés français, reconnus coupables de