Trois amies de Chateaubriand

138 TROIS AMIES DE CHATEAUBRIAND

de longues années sans revoir la déesse charmante, il l’oublia en tout cas ou, du moins, il vécut de même que s’il l'avait oubliée.

Îl aima Pauline de Beaumont, certes imparfaitement : 11 laima de son mieux, Et puis, il partit pour Rome, où il fut secrétaire de la légation du cardinal Fesch. Mais, avant de partir, il se présenta, un jour, à la banque Récamier. Le banquier fut l’obligeance même. Chateaubriand lui demanda du papier sur Rome, pour une somme de mille écus. Le banquier répondit avec empressement à ce souhait. Même, il donna au jeune diplomate une aimable lettre pour son correspondant de Rome, — une lettre conçue en ces termes, ou à peu près : « Je vous adresse M. de Chateaubriand, mon ami, et je vous prie de lui rendre toutes sortes de services; c’est un homme de mérite en son genret… » L’agent secret, qui transmit à Monsieur cette anecdote, ajoute : « Ce mot, échappé à la bonhomie du financier, a, depuis, fait fortune dans les salons ». Oui, l’on riait à cause de ce jugement protecteur que portait l'homme d’argent sur l’homme de génie ; «un homme de mérite en son genre », cela semblait insuffisant, pour l’auteur d’Aiala et du Génie du Christian'sme. On aurait ri bien davantage et mieux, si l’on avait su l'avenir, à cause de lindulgent « mon ami » accordé, avec mille écus, à M. de Chateaubriand par le mari de Juliette. Seulement, on ne savait par

4. Relations secrètes des pente 4 de Louis XVIII, P. 376 (à B date du 13 août 1803). ;