Trois amies de Chateaubriand
HORTENSE ALLART 291
femme. Mais son amour de la littérature lui mérita la complaisante sympathie des gens de lettres.
Hortense, lui dirais-je en l’invoquant, vous aviez la passion des livres. C’est bien. Vous fûtes une liseuse intrépide. Les plus lourds et vieux volumes ne vous effrayaient pas; Baronius. fit vos délices ct le Port-Royal de Sainte-Beuve vous parut, quoique beau, frivole.
Hortense, vous adoriez les livres; maïs vous leur préfériez encore les auteurs. Il ne vous suffisait pas de lire Le Dieu des Bonnes Gens, Les Martyrs et Voluplé : vous désiriez encore d’être l’amie de Béranger, de Chateaubriand, de Sainte-Beuve: Dût votre pudeur en souffrir, il vous fallait connaître ces écrivains. Seulement, vous n’aviez guère de pudeur; vous ne souffrîtes pas et vous aimâtes la lecture des grands hommes eux-mêmes. Vous méritez le nom de psychologue. Quand, avec M. de Chateaubriand, vous étiez allée dîner, dans le quartier du Jardin des Plantes, à l’Arc-en-Ciel, et que votre beauté, jointe à votre affabilité, avait incliné ce prosateur à la sincère confidence, il vous semblait que vous compreniez plus parfaitement Les Martyrs. Et alors, vous étiez contente, car vous aviez la rage honnête de comprendre.
On peut se demander si, pour Sainte-Beuve, c’est l'œuvre d'art qui importe le plus, ou bien la connaissance de l’artiste : je crois qu’il préféra l'artiste. Et Hortense commit le même péché. Il était curieux de fins documents et il enregistrait avec joie les po-