Un Agent des princes pendant la Révolution : le Marquis de La Rouërie et la conjuration bretonne 1790-1793 : d'après des documents inédits

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tionnaire, et, cette fois, elle en revint glacée d’effroi. Fouquier-Tinville, sans doute impatienté de la revoir, lui dit avec un regard et un sourire satanique :

« — Ranconnet s'ennuie donc beaucoup dans sa prison ? »

Ne conservant aucun doute sur l'effet qu’auraient ses instances, M de Sainte-Aulaire balbutia quelques mots insignifiants et se sauva en toute hâte, bien résolue à ne plus réveiller le tigre endormi.

Ici se terminerait le récit de cet incident caractéristique, et nous passerions de suite à d’autres exploits de Lalligand, si les Souvenirs du comte de Sainte-Aulaire ne nous fournissaient, sur l'étrange prison où séjourna son grand-père, des détails trop piltoresques pour être tenus sous silence.

Sa petite maison ne suffisant plus à recevoir ses hôtes, Belhomme avait loué un grand hôtel voisin, (l'hôtel Chabanais), avec lequel on communiquait par de spacieux jardins. Les prisonniers étaient à peine gardés, et rien ne leur était plus facile que de s'évader, mais aucun n'en avait l’idée. Le propre du régime de la Terreur était précisément de transformer la France en une vaste geôle et de faire accepter à chaque détenu l’échafaud comme une mort naturelle qu'il était raisonnable