Un Agent des princes pendant la Révolution : le Marquis de La Rouërie et la conjuration bretonne 1790-1793 : d'après des documents inédits

326 LE MARQUIS DE LA ROUËRIE

manquèrent pas aux prisonniers. Mais leurs dernières ressources s’épuisèrent bientôt, et il leur devint impossible de satisfaire à l'avidité croissante de Belhomme et des patrons de son établissement. À la fin de chaque mois, il fallait régler ses comptes et fixer la pension du mois suivant. Chaque détenu venait alors marchander sa vie dans le cabinet de Belhomme, et il s'y passait des scènes à la fois tragiques et ridicules.

C'était chose curieuse d'entendre le geôlier traiter d’affaires avec les grandes dames.

— En vérité, lui disait un jour la duchesse du Châtelet, avec les formes un peu apprètées de l’ancienne cour, en vérité, M. de Belhomme, vous n'êtes pas raisonnable, et il m'est, à mon vif regret, impossible de vous satisfaire !.…

— Allons, ma grosse, répondait Belhomme, sois bonne fille, je te ferai remise d’un quart.

Même à ce taux la duchesse du Châtelet ne put payer la pension; elle et son amie la duchesse de Gramont durent quitter l'établissement, et, peu de jours après, elles périrent sur l’échafaud. Cette catastrophe répandit la consternation chez Belhomme ; lui-même s'y montra sensible, tout en faisant remarquer, pour l'exemple, « que ces dames périssaient victimes d’une économie mal entendue ».